Toxicomanie : la prohibition doit laisser place à la prévention

Pierre Le Bec
4 min readFeb 7, 2021
Photo by Drew Beamer on Unsplash
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Depuis des années, les gouvernements successifs de droite comme de gauche se sont succédés et ont tenté de mettre un frein à l’utilisation de drogues : cannabis, cocaïne, opiacés, etc. Rien n’y fait, la puissance obscure de la “main invisible” du marché refait toujours surface. Face à une demande croissante au sein de l’Hexagone, les politiques deviennent de plus en plus répressives s’attaquant d’une part au consommateur, mais aussi à la chaîne qui gère le trafic de stupéfiants.

Aujourd’hui, il est l’heure de constater que la “prohibition” ne permet de résoudre le problème de la drogue et n’aide pas les “addicts” ou “toxicomanes” à se relever de l’enfer dans lequel ils ont mis les pieds. Au contraire, l’aspect pénal crée une double peine : les “amendes” ou “délits pénaux” et le fait d’être “malade”. En effet, le gouvernement ne se doute en aucun point que l’aspect récréatif de l’utilisation des “stups” ne concerne qu’une infime partie de la population. Les toxicomanes ne se droguent pas par pur plaisir, mais le fait de mettre fin à la question d’un manque plus ou moins élevé et qui peut s’avérer très violent.

La “prohibition” à la Française ne fait qu’accroître la notion répressive, mais aussi ne permet pas de faire sortir durablement les personnes d’un enfer dans lequel ils sont. Au contraire, l’appareil étatique tente de les faire couler en considérant que la “maladie” est un “délit”. Ainsi, le choix du gouvernement devient totalement diabolique. Au lieu de créer une véritable opportunité de faire sortir les “malades” par des structures adaptés leur offrant des soins en addictologie, il préfère se servir dans leur porte-feuille ou de les condamner à des peines de prison.

Certains parlent d’ouverture de la consommation de cannabis à travers des “cannabis club” où la consommation serait encadrée. L’utopie peut certes exister aux Pays-Bas. Pourtant, il convient de souligner que cette pratique n’a pas permis de faire tomber le trafic. Au contraire, la Hollande est devenue une plaque tournante dans l’import/export du trafic de cannabis. Ainsi, sur le plan de lutte contre la “drogue”, la solution ne peut être prise à travers un seul pays.

La fin de la “prohibition” souligne notamment le fait de prendre des dispositions communes, mais cela ne s’ancre uniquement à l’échelle de l’Union Européenne. Le fédéralisme européen devient une nécessité afin d’accompagner chaque pays à concevoir un modèle mettant la fin à une politique pénale ne fonctionnant pas. Il s’agit également de mettre de l’ordre au sein des législation des pays de l’Union afin d’arriver vers une certaine harmonisation des dispositions juridiques. Cette bataille devient une nécessité absolue puisqu’elle permet de combattre le trafic de stupéfiant, mais aussi d’encadrer les malades.

Une politique commune en matière de sécurité et des systèmes de santé nécessite la création d’une Sécurité Sociale à l’échelle de l’Union Européenne. Le fédéralisme proposerait une harmonisation vers un système universel permettant à tous les pays membre de soutenir une politique commune de telle manière que le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale ne se déroulerait plus simplement à l’Assemblée Nationale et au Sénat, mais dans l’enceinte du Parlement Européen. Les dispositifs de cotisations d’un pays à un autre ne varieraient pas, l’universalité s’imposerait. L’assurance maladie deviendrait dès lors une clef nécessaire où les enjeux permettraient d’éviter la concurrence entre les pays membres, mais d’aller vers une harmonisation entière des normes même s’il faut refonder une partie de l’Union Européenne notamment dans son modèle et son mode de fonctionnement.

La dépénalisation de la consommation de drogues ne doit pas intervenir dans une anomie absolue où les effets souhaités seraient annihilés par une augmentation de la consommation de produits toxiques, notamment vers les “drogues dures” (même s’il n’existe aucune drogue “dure” ou “douce”). Les effets dramatiques d’une telle prohibition risquent d’aboutir à une explosion de la toxicomanie. Cet effet paradoxal induirait une augmentation de la production des produits toxiques tout comme de leurs dérivés. Autant dire que cela serait un terrible échec. Cette perspective n’est pas envisageable.

À ce jour, il existe une seule salle de shoot à l’hôpital Lariboisière qui permet aux toxicomanes d’entamer un parcours de soin pour se sortir étape par étape de la dépendance qu’ils ont vis-à-vis du produit, mais cela ne suffit pas pour empêcher les personnes à revenir sur un nouveau chemin loin des produits qui les ont fait sombrer dans les abîmes avec des conséquences psychologiques parfois très lourdes.

La politique préventive et l’accompagnement des toxicomanes vers un véritable projet de soins comme plan de sortie de la toxicomanie s’avèrent nettement plus efficaces que la politique actuelle répressive, liberticide et sécuritaire. Le parcours proposé s’inscrit dans la construction massive d’établissements de santé publics ou privés spécialisés dans l’addictologie. L’idéal réside dans le fait qu’ils appliquent des “groupes de parole” afin que le toxicomane ne se sente plus isolé face à sa dépendance, mais aussi qu’il s’identifie au travers des différents partages. Cette dynamique permettrait de réinsérer le toxicomane afin de stopper la maladie au point où elle en est arrivée.

Il semble nécessaire de soutenir les associations qui permettent à de nombreux toxicomanes de sortir de l’enfer de la consommation des produits où la bataille avec celui-ci est perdue d’avance. La perte de contrôle impulse à lancer des campagnes pour persuader et convaincre qu’un autre chemin est possible afin de redonner de l’espoir à ceux qui sont au fond du trou.

Les beaux jours approchent après un ouragan dévastateurs qui a démontré que nous étions impuissant devant le produit. La clef réside dans l’abstinence : pas forcément simple quand il faut réinstaller entièrement son système de fonctionnement. Si la toxicomanie ne se guérit pas à l’heure d’aujourd’hui, son évolution peut-être stoppée. Le seul moyen réside à demeurer dans l’abstinence.

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Pierre Le Bec
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Blogueur & Journaliste indépendant | Militant Communiste