Pierre Le Bec
17 min readJan 22, 2021

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Pour un fédéralisme à la Française

Nos voisins de l’autre côté de l’Atlantique sont habitués à avoir une certaine espérance et un certain idéal en matière de libertés fondamentales et d’évolution des mœurs. Quant à nous, nous sommes toujours dans une société où la structure régalienne devient plus puissante en fonction que les jours passent et trépassent.

J’ai l’impression de marcher seul dans un pays où la dépression n’est plus individualisée, mais collective. Les cliniques et les hôpitaux psychiatriques commencent à recevoir un nombre de plus en plus élevé de patient souffrant de nombreux troubles. L’effort collectif demandé à une partie de la société s’est soldé par une décompensation psychique. Nous sommes pris dans une spirale infernale qui nous conduit tout droit vers une chute imminente. La question du “brown out” devient fondamentale notamment dans ces derniers jours.

Nous vivons une période cruciale, dont l’impact sera notoire pour les années qui viennent. La démonstration actuelle réside dans le fait que nombreuses personnes n’ont plus d’aspiration vers l’imagination, et cela, afin d’aspirer à une certaine liberté leur garantissant une entière autonomie. La question du travail pose un élément nécessaire dans la création de nouveaux emplois dans le futur. La démonstration réalisée durant la crise sanitaire convient d’affirmer que la plupart des emplois sont inutiles pour la société. Lors des différents confinements, nous avons pu constater que seul les emplois nécessaires à la vie collective ont continué de tourner alors que les autres ne sont qu’accessoirement des emplois de surface. Fonder une politique de l’emploi sur des “jobs inutiles” se résume à créer de l’emploi pour créer de l’emploi. Une véritable politique de l’emploi et ambitieuse permettrait de générer des créations d’emplois utiles pour la société afin que ces derniers ne soient pas soumis au grès des crises par des vagues de licenciement. La question de la politique de l’emploi à travers notamment une politique de l’offre très agressive pour les salariés ne permet pas d’endiguer ce mal-être au travail. La France est l’un des pays où les salariés consomment le plus de médicaments pour pallier un problème psychique. Le nier serait une forme d’admettre une telle désillusion à propos du “rêve” que chacun souhaite réaliser.

Dans le rêve collectif qui nous attache d’une certaine manière à la question de la folie de masse, il existe une échappatoire permettant de nous lier à ce que nous sommes réellement et ce que nous voulons devenir. Dans cette vision globale, la crise sanitaire cache évidemment une crise économique et politique. Dans ce cadre, les restrictions des libertés individuelles et des lois liberticides ne sont que la face cachée de l’iceberg du néolibéralisme. Nous vivons dans une société qui se meurt doucement au rythme des projets de loi et des ordonnances. Rarement, les législateurs étaient allés aussi loin pour maintenir l’ordre public en réalisant une cohésion pour permettre de ballonner la révolte qui gronde doucement de jour en jour. Les enjeux sont de taille pour les partisans du néolibéralisme. Il s’agit de mettre en place des outils pour rassurer l’ordre politique. Les différentes formes de violence deviennent de plus en plus constants afin d’éviter d’une certaine manière que la révolte ne se transforme en révolution prolétarienne. Évidemment, il ne s’agit pas de remettre en cause les mesures sanitaires qui restreignent les libertés publiques afin de combattre la pandémie et de retrouver une vie comme celle d’avant, mais de combattre les différents articles de loi foncièrement liberticide et allant jusqu’à attaquer la liberté de la presse.

Chaque jour qui passe apparaît comme une vision dystopique de la société et finalement nous enferme dans un véritable cauchemar. Les libertés fondamentales restent entièrement bafouées sous les présidences successives appliquant des programmes à tendance néolibérale. Il convient de souligner que la prise du pouvoir par l’actuel président risque d’annihiler tous les songes que nous faisons pour un “monde meilleur”. Le contexte porte d’une certaine manière une véritable responsabilité puisque le garant de la constitution n’est autre que celui qui met en danger les libertés publiques. Dans ce contexte, ils cultivent des positions autoritaires sur les questions de “sécurité publique” pour s’inscrire dans la ligne droite du Thatcherisme. La position régalienne de la République a rarement été aussi puissante que lors des dernières présidences, dont celle Nicolas Sarkozy. La violence des luttes sociales se traduit par une vision d’ensemble d’un néolibéralisme agressif et sans pitié pour les plus faibles. L’espoir perdure progressivement afin de faire reculer le gouvernement sur les lois structurelles conseillées par la Commission Européenne de Bruxelles.

Le “rêve français” s’inscrivait dans un modèle basé sur la solidarité. Aujourd’hui le modèle tel que veulent le concevoir les macronistes s’inscrit dans un individualisme méthodologique. Chaque loi votée par le Parlement bicaméral démontre de cette vision de s’attacher foncièrement à l’individu et non à l’analyse holistique du “bien-être” de la société. Devant un tel recul pour transformer une société où chacun contribuait à l’État-providence vers un État s’occupant d’intervenir afin de “libérer les énergies” le tout se basant sur une concurrence accrue des travailleurs entre eux sous le prétexte d’une méritocratie bonifiant, les mouvements sociaux se défendent comme ils le peuvent. De défaite en défaite, nos “rêves” deviennent foncièrement utopiques pour beaucoup d’entre nous. Chez les soutiens originels du parti majoritaire à l’Assemblée Nationale, il existe une certaine forme de malaise sur la méthodologie employée pour arriver à ses fins. La question de la “violence de l’appareil étatique” devient omniprésente pour réaliser une démonstration qu’il n’y aurait guère d’alternatives au modèle sociétal que veulent les macronistes. Face à cette illusion, nombreuse ont été les soutiens à penser que l’on pouvait faire neuf avec du vieux. Le modèle sociétal risque de s’effondrer sur lui-même puisqu’il porte en son sein une vision hostile à la deuxième de la nature : l’entraide.

La question du "rêve français" pose également les différentes ambitions qui nous animent et se métamorphose afin de créer une ambiance sereine pour le développement de chacun en fonction de ses besoins et ses attentes. L'espoir intervient pour permettre de redonner un sens à la cohésion collective. L'illusion actuelle que le néolibéralisme porte en elle s'achèvera lorsque les entreprises licencieront de façon massivement pour pallier à la crise économique qui se profile à l'horizon. La chimère dans laquelle nous sommes ne durera pas éternellement. L'enjeu interviendra lorsque les mesures censées créer de l'emploi en détruiront de façon massive afin de faire face à la faillite des entreprises, mais qui n'est d'autre que la faillite d'une partie de la collectivité ayant cru que l'on pouvait faire confiance dans les marchés et que "la main invisible" permettrait de tout résoudre. La flexibilité du marché du travail apparaît comme opportune lorsque l'économie s'inscrit dans une phase expansive, mais elle génère une catastrophe humaine à l'échelle d'une société. Les licenciements détruisent de nombreuses familles et interviennent dans le cadre de restructuration afin que les actionnaires puissent tout de même toucher leurs dividendes. La crise économique a paradoxalement fait gonfler le nombre de milliardaires et de millionnaires sur l'ensemble du globe.

On nous promettait un meilleur monde face au national-libéralisme et aux différents populismes. L’arrivée d’Emmanuel Macron a été considérée par ses premiers soutiens comme d’un homme providentiel. Lors du premier tour de l’élection présidentielle, il y a eu une portée importante en mettant en avant que le libéralisme ouvert était source de progrès pour la société. Nombreux sont ceux à être tombés dans le panneau. Le “social-libéralisme” s’avère être une utopie puisqu’il fonctionne en admettant qu’il faut d’abord produire la richesse avant de la répartir. Cette logique productiviste s’inscrit d’une certaine manière dans l’idéal que les différentes mesures censées générer de la création de richesse permettent d’engendrer un accroissement des aides de l’État. Ainsi, cela permet de réguler les inégalités sociales en les diminuant. En se basant sur les systèmes scandinaves et notamment suédois, Emmanuel Macron voulait démontrer que son libéralisme apportait une rupture avec les différents présidents que nous avons eu. Pourtant, son programme a été appliqué de façon rigoureuse. Les effets escomptés ne se sont pas produits. La production de richesse n’a pas augmenté, les inégalités se sont creusées, la dette publique explose, etc. Il existe une différence dans la volonté de promettre des effets mécaniques des réformes structurelles et le fait que ces dernières se réalisent.

La crise sanitaire cachant une crise économique que l’on pourrait qualifier de “crise du siècle” a propulsé le gouvernement à mettre en place un vaste plan de relance de l’économie. Pourtant, ce plan de relance ne s’adresse pas aux petites et moyennes entreprises, mais spécialement aux multinationales françaises. Dans ce contexte, le patronat salue la démarche gouvernementale et se satisfait pleinement des mesures qui sont prises. Pourtant, cette relance ne se traduit pas fondamentalement par une volonté de rendre plus compétitives les entreprises et d’accroître la productivité afin de générer une croissance durable dans le temps. On peut considérer que le “plan de relance” n’est qu’un geste de plus pour le patronat à travers la “nationalisation des pertes” et la “privatisation des profits”. La dette explose puisqu’elle se situe au-delà des 100% du PIB. L’endettement public sera une source à résoudre dans le futur puisque l’on ne peut vivre éternellement sur des politiques publiques qui endettent fortement les pays pour sauver le capitalisme et les actionnaires à travers les entreprises. Le keynésianisme que l’on prétend mettre en avant se résume à n’être qu’une roue de secours et un mirage. Le “rêve français” promis par Emmanuel Macron se transformera dans un “spectre” où l’austérité attend les habitants du pays de façon drastique.

La dérive d’un idéal se matérialise également par un tournant de la rigueur budgétaire comme le fait le pays depuis 1983. Les mesures ne seront peut-être pas mises sur ce quinquennat, mais sur le prochain. Le dégraissement de l’ensemble de l’État-Providence interviendra dans une logique opportune où toutes dettes contractées doit être remboursées. De plus, les mesures de la Banque Centrale Européenne permettront aux différents États d’emprunter à des taux très faibles. Dans le même temps que les dévaluations internes se feront à la chaîne, il existe un désenchantement et des néolibéraux se radicalisant dans cette période de crise ne croyant plus dans le modèle “social-libéral”, mais dans le modèle du néolibéralisme à l’état pure. Les conservateurs sont revanchards notamment après la défaite de Donald Trump à la présidence des États-Unis d’Amérique. La question de la “bonne santé” budgétaire deviendra alors un véritable cauchemar pour l’ensemble des salariés qui n’auront plus rien à se mettre sous la dent. La “grande récession” que le siècle s’apprête à entamer détruira l’ensemble de l’espoir dans une alternative qui peut se résumer à une “troisième voie”. La “révolution conservatrice” se porte aux abords de la présidence de la République.

La “terre promise” que l’on nous a vendue pour encaisser les différents coups s’avère être une illusion. La question de la dette publique de l’autre côté de l’Atlantique risque de se retrouver s’avère être un danger d’une ampleur que nul ne s’attend. Si l’oncle Sam fait un défaut de paiement, les conséquences seront plus dramatiques que lorsque la Grèce le fit et plonger dans le cadre de la crise de la dette publique. Le résultat ne sera pas le même la charge et le service de la dette augmente d’année en année. À un moment donné, il semble nécessaire d’inverser la donne. Nous risquons de vivre une décennie perdue comme au Japon.

Je m’interroge également sur la question de la taille des réformes structurelles qui vont s’abattre sur le vieux continent. Les mémorandums grecs ont fait frémir certains, mais ces derniers ne représentent rien à ce qui attend les différents pays. L’austérité est devenue un mode de vie ces dernières années. Le fait que les pays de l’Union Européenne laissent leurs déficits respectifs couler témoigne d’un avenir peu radieux avec des réformes d’une violence inouïe qui va s’abattre une fois la crise sanitaire résolue et la vaccination de masse mis en place. La règle d’or a sauté pour mieux revenir en force. Il existe une disparité entre l’Union Européenne puisqu’il s’agit simplement d’une union entre pays selon des principes économiques et démocratiques. La question de créer une fédération européenne se posera tôt ou tard en fonction de la crise que nous devrons surmonter ensemble.

Il ne s’agit pas de défendre le fédéralisme européen tel que le conçoit les libéraux de tout genre, mais un fédéralisme où les valeurs progressistes mettent en évidence une solution permettant la collaboration entre les différents peuples et les différentes nations. Autrement dit, cette utopie ne s’inscrit pas dans le “cauchemar” que représente l’actuel Union Européenne. La concurrence entre les états membres de l’Union Européenne sur le marché commun ne permet pas d’aboutir à des solutions collectives, mais s’inscrit parfaitement dans le cadre d’un individualisme méthodologique de fond. La commission européenne représente l’équivalent du gouvernement de l’Union Européenne. À ce jour, la question d’un changement de paradigme et de positions économiques comme politiques devient nécessaire.

Dans le cas où l’Union Européenne reviendrait sur les anciennes normes alors cela sera la course vers une catastrophe économique comme politique. Le Brexit constitue une perte importante pour l’Union Européenne puisque cela se traduit par la fin des accords du marché unique pour atterrir sur des accords bilatéraux. Le repli sur soi et l’isolationnisme interviennent lorsqu’il n’y a plus d’espoir. Le chemin que le Royaume-Uni a entrepris constitue une démonstration pour les souverainistes de tout bord que la porte de sortie est ouverte, mais elle n’est pas une porte ouverte vers quelque chose.

La notion de créer une “communauté de valeurs” interviendra au moment où les peuples européens auront décidé de façon souveraine le destin qu’il souhaite mettre en avant. Dans une course à la compétition internationale, il sera nécessaire de s’orienter vers un fédéralisme au niveau de l’échelle européenne, mais aussi au niveau des États unitaires comme la France. Je pense que le fédéralisme reste une solution structurelle raisonnable, mais pour cela, il faudra briser l’aspiration jacobine d’une partie de la classe politique. Il semble nécessaire de revenir vers une politique de proximité où la cellule fondamentale réside dans la commune. La question de l’universalité se pose également dans le sens qu’elle ne permet pas de résoudre l’ensemble des problèmes. La nostalgie de la “Commune de Paris” me transporte en me disant que la solution démocratique réside dans le fait de construire une législation adaptée selon les régions. L’ensemble des régions formerait alors une fédération. La seule différence fondamentale réside dans le fait que je crois fondamentalement que l’unité démocratique majeure réside dans le fait de donner une large autonomie aux régions et aux communes qui forment ces entités juridiques.

Le mur des Fédérés

La question de la “République des Communards” apparaît comme un aspirateur vers un autre mode de vie. Le rêve se rapproche-t-il de ce que veulent les néolibéraux, mais dans les faits, il s’agit d’une vision assez optimiste de la société. Le rêve que les fusillés du mur des fédérés avaient fait ne s’est pas éteint. Le rêve permet de se situer en dehors des clous, mais surtout de ne pas sombrer dans une réalité qui sera mortifère pour les années à venir. La question réside dans le fait d’agir de façon locale avec des dispositifs législatifs locaux. Dans ce cadre, la “revanche” de la commune de Paris pourrait s’enclencher et devenir une force motrice d’une part dans son aspiration aux libertés collectives, mais aussi des libertés individuelles. Il ne va pas sans dire qu’il faudra réformer de fond en comble la structure du pays. Le passage d’une république unitaire à une république fédérale n’est pas sans créer des distorsions, mais cela permet de réaliser des économies structurelles notamment sur le plan des infrastructures. Il faudra que ceux qui s’opposent à la notion d’une république fédérale se questionnent sur le fait que l’ensemble des partis politiques est basé sur des fédérations. Le fonctionnement politique est de nature fédéral, pourquoi cela ne serait-il pas le cas de la France ?

Statue de la convention nationale

L’instauration de la troisième République s’est réalisée dans le sang et demande à être jugé vis-à-vis de l’aspiration que voulaient les Versaillais de tout bord. Pour ceux qui se demandent d’où vient la volonté d’une vision sécuritaire, il est nécessaire d’admettre que pour eux l’événement fondateur dans le républicanisme réside dans la République d’Adolphe Thiers. On se souvient notamment lorsque le président a fêté la date anniversaire de la République avec la date inscrite dans le Panthéon. Les valeurs républicaines varient selon les courants et les appartenances au mouvement républicain. De ce fait, je ne partage pas la même vision de ce que représente l’aspiration républicaine qu’Emmanuel Macron. Au nom de la République, nous nous retrouvons à un croisement et un changement de direction fondamental.

La nature du fédéralisme rappelle pour certains républicains la structure étatique que l’État avait sous la monarchie. Or, il n’y a pas vraiment de risque à ce jour que la France bascule dans le monarchisme. La question devient désormais une notion fondamentale. La vision du monarchisme s’enquillait dans un mille-feuille de territoires imbriqués les uns dans les autres. Cette forme de fédéralisme s’avérait totalement anomique. D’ailleurs, dans ces circonstances, on ne peut pas vraiment parler d’un fédéralisme, mais d’un agrégat de “pays” plus ou moins autonome vivant au rythme des guerres et des rattachements à des États ou des Empires selon les époques. La question d’une restauration de la monarchie telle qu’elle est conçue par les partisans de l’Action Française s’avère être une chimère pour ces personnes. Le monarchisme appartient au passé et il ne fut guère glorieux.

La Makhnovtchina

Le “rêve” d’une génération revient à un moment d’un changement radical dans la structure de la gestion de la vie de la cité, loin de la vision de l’austérité. Nous serions certainement des utopistes et des doux rêveurs si le modèle que je conçois n’avait pas été mis en avant autrefois dans l’Histoire moderne. Si le nom de Nestor Makhno ne vous dit rien, je peux le concevoir. Cependant, ses cendres reposent au crématorium du Père Lachaise. Pourtant, il fut l’un des piliers dans la révolution russe à mettre en place un système fédéral organisé par des assemblées générales. La question de l’anarchisme terrifie les partisans du centralisme démocratique. Pourtant, Nestor Makhno a réussi à concevoir une forme de “fédéralisme par le bas” en Ukraine durant la guerre civile russe sur une zone de la taille de l’équivalent de la France durant une période de quatre ans. Toutefois, la fin tragique de cette expérience se résume dans l’affrontement entre la Makhnovtchina et l’Armée rouge dirigée par Léon Trostky. La fin de cette expérience démontre que l’on peut refonder la question de la vie collectivement autrement qu’à travers le concept de l’État-nation tel qu’il est conçu de nos jours.

La question de la mise en pratique des théories de Johannes Althusius démontre que nous ne sommes pas dans l’absurde, mais dans la défense d’un système permettant un rapprochement de la démocratie vis-à-vis de l’individu et de rompre avec cette défiance démocratique qui s’inscrit et s’enracine dans le paysage politique. La question de l’abstention témoigne de la remise en cause des principes même de la République tel qu’elle est conçue. Le désintéressement de la vie politique démontre que le “système actuel” n’est plus un rêve pour de nombreuses personnes, mais une désillusion totale.

De ce fait, l’unicité de la nation a vécu son apogée et devient un frein pour le développement de la nation, mais aussi devient d’une certaine manière un cauchemar pour de nombreuses personnes pour qui l’État intervient trop dans la sphère des différentes collectivités territoriales. La question de l’autonomie des collectivités territoriales s’inscrit dans un processus de décentralisation et de déconcentration du pouvoir, mais ce n’est pas dans cet aspect que nous devons nous orienter puisque les réformes sur les collectivités s’inscrivent dans une logique de réformes structurelles visant à enraciner l’austérité à travers une asphyxie progressive de l’investissement de l’État. Le désengagement de l’État dans les collectivités oblige à trouver de nouveaux financements liés à l’assèchement financier depuis des années successives. Cette logique nous renvoie que l’unicité de la nation n’est plus à même de soutenir le développement de ces instances démocratiques. À un moment donné, il semble nécessaire de construire une forme d’émancipation de ces collectivités et de décider de leur avenir.

La volonté de faire perdurer l’État unitaire au nom du républicanisme trouve une racine profonde dans cette volonté d’une nation où la souveraineté ne se retrouve pas au niveau de l’unité démocratique fondamentale, mais au niveau national. Dès lors, les aspirations républicaines deviennent de plus en plus douteuses pour les néo-versaillais comme Emmanuel Macron et ses consorts. L’urgence réside dans le fait de maintenir une cohésion nationale autour d’un ensemble de valeurs. Dès lors, les débats sur la question de l’identité nationale deviennent omniprésents en fonction que la vie politique se déroule. Il s’agit d’une question fondamentale pour les néo-versaillais de maintenir une doctrine harmonieuse pour pouvoir persévérer et montrer qu’elle ne fléchis pas en fonction des scandales politiques.

La question du fédéralisme permet d’être porteur d’espoir pour les prochaines générations à venir, mais cela souligne de rompre avec la République de 1958. Le passage de la question unitaire à la question fédérale permettra de mieux prendre en compte les besoins des populations, mais aussi de rapprocher la démocratie des citoyens afin qu’ils soient pleinement acteurs de leur destinée. Ce rêve peut briser la spirale infernale dans laquelle se trouve la France, mais aussi d’autres pays. Cela permettra également de mettre un terme à la montée des courants néofascistes. En effet, ces derniers défendent irrémédiable la notion l’interventionnisme de l’État dans les affaires des collectivités territoriales quitte à revenir sur des réformes territoriales et constitutionnelles. Dans le même temps, cela permettra de mettre en valeur la diversité et la richesse de la culture française.

Cependant, les néolibéraux tout comme les libéraux à la carte y verront une occasion pour mettre les régions en compétition les unes entre les autres afin de générer des gains de productivité et compétitivité des entreprises. Il ne s’agit pas de recréer une Union Européenne au niveau de la France, mais de mettre en place une fédération où l’objectif ne réside pas dans la concurrence, mais dans la coopération et l’entraide, comme deuxième loi fondamentale de la nature selon la démonstration de Pierre Kropotkine ou plus récemment de Pablo Servigne et Gauthier Chapelle. Il n’y aura plus de “premier de cordée”, mais un collectif solidaire s’entraidant et avançant ensemble

La déchéance et le trouble dans lequel nous sommes confrontés peut se retrouver dans un nouveau songe. Au lieu de nous enfoncer dans une course contre la dette, le déficit, le chômage, nous nous remettions en selle pour réaliser un nouveau “contrat social” mettant en avant la question de l’autonomie et la “démocratie” au cœur de la politique de demain. Toutefois, la remise en cause de l’universalisme à la Française pour créer un universalisme multiforme selon les régions risque de générer des polémiques de grandes envergures et diviser la société. Nonobstant ces éléments, le rapprochement de la démocratie après un moment de tension démocratique très intense permettra à long terme de renouveler un espoir républicain, mais en adéquation avec son siècle.

Pendant que nous sombrons dans notre Titanic, dont personne ne veut éviter l’iceberg, le “rêve” s’envole et l’avenir apparaît particulièrement sombre dans notre République unitaire et d’une Union Européenne incompétente. La question de la reprise en main de notre destin passe également par une plus large responsabilité collective comme individuelle. Les efforts semblent colossaux pour de nombreux citoyens, mais c’est en maintenant l’idéal d’un “fédéralisme par le bas” que nous éviterons l’iceberg et qu’aucun d’entre nous ne sombre dans les eaux glacées du désespoir.

La mélancolie intervient dans ce rythme où nous assistons d’une certaine manière à un suicide collectif. Les conséquences ne sont pas les mêmes selon le niveau d’endettement d’un pays. Pourtant, nous continuons de vivre sur une mine qui risque d’exploser à chaque instant. Nous assistons à la défaite d’un rêve où le bulldozer de la crise économique risque de tout dévaster sur son passage. Toutefois la chute du capitalisme à travers la crise sanitaire se réalisera et nous entrerons dans une nouvelle ère. Mais la question sera de savoir si cette dernière sera meilleure ou pire que celle actuelle ?

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Pierre Le Bec
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Blogueur & Journaliste indépendant | Militant Communiste