L’échec du rêve européen au travers du Brexit

Pierre Le Bec
6 min readFeb 21, 2021
Image par Pete Linforth de Pixabay

David Cameron a enclenché une consultation publique se résumer entre le “Leave” et le “Remain” portant sur la politique vis-à-vis de l’Union Européenne. La volonté de prouver que le Royaume-Uni souhaitait rester dans le Royaume-Uni a vite tourné au fiasco généralisé.

Dans ce cadre, le Brexit a ouvert le chemin à une campagne mensongère de la part des ultra-souverainistes thatchériens. Que cela soit Nigel Farage pour l’UKIP ou Borris Johnson pour les Tories, la marque d’une enfumade sur les bénéfices qui résulteraient de la sortie de l’Union Européenne s’avère tout de même être énorme. Il y avait clairement une tromperie orchestrée et organisée par des “apprentis économistes”.

La volonté de se séparer d’un marché qui était fondamentalement nécessaire pour le commerce extérieur et les exportations souligne une pensée suicidaire. Le “suicide collectif” du Royaume-Uni dans sa course à la souveraineté absolue interroge profondément l’européisme, mais aussi d’une certaine manière le profil de l’électorat qui a choisi la fin d’une aventure économique, politique et sociale.

Comment une Union de pays a-t-elle pu croire que le marché se situant de l’autre côté de la Manche était une entrave à sa “liberté économique” ? La consultation a parlé, elle n’avait aucune valeur juridique, mais les Tories ont écouté et compris qu’elle a marqué tous les esprits. De ce fait, les souverainistes ont enclenché un divorce à l’amiable qui s’est soldé par un accord économique tel un traité de libre-échange entre les deux parties. Pourtant, les membres les plus radicaux prônaient un “Hard Brexit”. La consécration d’une discussion longue sur des négociations qui furent reporter à deux reprises.

Photo by Habib Ayoade on Unsplash

Le Royaume-Uni dirigé par les conservateurs mène tout droit vers une illusion d’optique. Officiellement sortie de l’Union Européenne depuis quelques mois et du marché unique, l’isolement progressif du Royaume-Uni se traduit par une volonté complexe, dont il est tiraillé par l’implosion en son sein de l’Union. La volonté de l’Écosse de prendre son indépendance pour rejoindre l’Union Européenne n’est pas surprenante. Le nationalisme républicain Écossais s’inscrit typiquement dans le mouvement de 1848. Les Tories font face désormais au puissant Scottish National Party (SNP). Le Royaume-Uni dirigé par les conservateurs mène tout droit vers une illusion d’optique.

Au pays de Margaret Thatcher, le slogan “I Want My Money Back” s’est soldé par une fédération au bord de l’implosion. Les Irlandais rêvent de réunir l’Ulster et l’Eire. La fracture se creuse progressivement et l’implosion du Royaume-Uni n’a jamais été aussi proche. Dès lors, on peut dire que l’électorat en faveur de la sortie du “

Le repli identitaire démontre également les difficultés d’appliquer le fameux “article 50” du TUE. L’expérience de Londres démontre d’une certaine manière que les souverainistes risquent de se retrouver face à un mastodonte. La démonstration que viennent de vivre nos voisins britanniques devrait faire réfléchir à plusieurs reprises les partisans du “Frexit”. Dans le cadre d’un retour à la souveraineté nationale face à la souveraineté européenne, le mode d’emploi ne se résume pas à activer un article, mais cela nécessite des tractations de fond tout comme une réforme constitutionnelle. Il paraîtrait que la sortie de l’Union Européenne permettrait de sortir du néolibéralisme. La réalité démontre que Londres n’a pas abandonné son néolibéralisme et sa politique prônant le darwinisme social afin de redorer les lettres nobles du libéralisme de l’époque Victorienne.

En se positionnant dans le cadre d’un individualisme méthodologique absolu, le règne de l’électorat permet d’une certaine manière de concevoir une vision mettant en doute la notion même de la consultation tant au niveau local qu’au niveau national sur des sujets primordiaux. Le fédéralisme intégral que refuse de mettre en place Bruxelles par un système démocratique éloigné de l’aspect bureaucratique et technocratique permettrait de faire face à un désaveu profond au sein d’une partie de la population européenne. L’échec de l’intégration du Royaume-Uni se traduit également par une ambivalence avec un pied dedans et un pied dehors. Toutefois, cela démontre qu’il semble nécessaire d’aboutir à une plus forte intégration afin d’aboutir à un système fédéral où l’harmonisation des règles et des lois devrait être primordiale.

La désillusion que le “marché unique” permettrait d’accroître d’une certaine manière le progrès et les valeurs communes se traduit inévitablement par un échec tant qu’une politique économique commune pour tous les pays des membres de l’Union Européenne n’est pas adoptée. La reconstruction de l’après-Brexit nécessite une vague successive de réformes des traités européens afin que nous allions vers une fédération de pays où les règles sont les mêmes pour chaque pays afin de laisser l’œuvre de la concurrence se mettre réellement place au lieu d’aller vers des économies où la question de l’action sociale nécessite d’être la plus faible possible. Cela se traduit par l’élément moteur du dumping social.

Les produits exportés vers l’Union Européenne seront soumis à des taxes douanières. Dès lors, la place de Londres commence à vaciller progressivement. Dans le même temps, au niveau des marchés financiers, la City est délaissée pour d’autres places boursières. Elle perd au niveau des échanges de capitaux. Il faut tout de même souligner que l’instabilité actuelle sur le plan économique et législatif ne rassure pas vraiment les marchés à investir au sein du Royaume-Uni. Dans le même temps, il faut souligner que la productivité moyenne des entreprises reste très faible comparée à leurs homologues Français ou Allemand. Dans ces conditions, l’ensemble des politiques de rigueur débuté sous Margaret Thatcher allant jusqu’à David Cameron s’est effondré pour revenir au point de départ. Ainsi, une nouvelle société reste à construire pour Boris Johnson.

On récupère les pots cassés, mais aussi d’une certaine façon une vision où la solidarité deviendrait une nécessité absolue au lieu de laisser place à la concurrence sans limite entre les pays du “marché unique”. Peut-être qu’il suffira d’un sursaut européiste, mais nous n’avons pas tous le même projet pour l’Union Européenne. Le projet dominant ne fait certes guère envier, mais le projet des “souverainistes” au travers de la remise en place d’un “protectionnisme” va à l’encontre des intérêts des travailleurs.

D’ailleurs, le système protectionniste n’est qu’un moyen d’établir chez un peuple la grande industrie, c’est-à-dire de le faire dépendre du marché de l’univers, et du moment qu’on dépend du marché de l’univers on dépend déjà plus ou moins du libre-échange. Outre cela, le système protecteur contribue à développer la libre concurrence dans l’intérieur d’un pays.
Karl Marx — Discours sur la question du libre-échange (1848)

Dans ces conditions, la vision “protectionniste” ou d’un “libéralisme à la carte” tel qu’il est demandé par les tenants du “souverainisme” se traduit inexorablement par un moyen d’exploiter plus durement l’exploitation des travailleurs au sein d’un pays donné.

Dans ce contexte, il intervient que Boris Johnson souhaite refonder le Commonwealth afin d’en faire un espace de libre-échange et d’un marché unique. Dans ces conditions, il s’avère que cela apparaît comme redoutable la vision d’articuler un espace où la reine possède le titre honorifique de chef d’État comme c’est le cas pour le Canada. Pourtant, cela ne permettra pas d’enlever les pertes grandissantes de la perte d’une place importante du marché européen. La stratégie que souhaite mettre en place le gouvernement actuel réside dans la compensation de la balance commerciale.

L’obscurantisme ayant conduit à la sortie de l’Union Européenne nécessite désormais de s’orienter vers d’autres marchés plus éloignés. Le “deal” d’un rebond économique avec le statut quasi-similaire d’un État autoentrepreneur où il devra trouver des marchés pour conclure des accords bilatéraux entre pays afin de remettre en place l’avantage comparatif de Ricardo. Toutefois, nous ne sommes plus en 1817. Les échanges commerciaux internationaux prédisposent à une ouverture de la société. La recherche des meilleures conditions permet d’avantager les pays signataires de l’accord. Toutefois, face à une clique ignare qui gère le 10 Downing Street, on peut se demander les méthodologies pour se relever d’une crise politique et économique, mais aussi sanitaire avec l’apparition du variant Anglais du Coronavirus.

--

--

Pierre Le Bec
0 Followers

Blogueur & Journaliste indépendant | Militant Communiste